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Il s'agit du troisième volet d'une série de quatre, une production du Théâtre CRI conçue et mise en scène par Vicky Côté. Ce qu'elle a choisi de montrer, c'est une dame, Éva, dont on devine qu'elle est très âgée, qui peine à se déplacer à la suite d'un accident survenu quelques décennies plus tôt et dont l'époux est décédé depuis longtemps. Elle réside toujours dans la maison où ils furent authentiquement heureux, où a grandi leur fils qui, aujourd'hui, passe dans sa vie en pointillé.
Le soir de la première tenue mercredi dernier, tous les sièges étaient occupés. Ce fut d'ailleurs le cas toute la semaine, sauf pour l'ultime représentation qui sera livrée dimanche à 20h, et ce n'est que justice eu égard à la performance remarquable de Guylaine Rivard. Pendant 75 minutes, en ne prononçant qu'une poignée de phrases, ce qui est fidèle à la manière de Vicky Côté, elle amène les spectateurs à vivre au rythme de son personnage, à entrer dans sa peau.
Même si la distance est pratiquement abolie dans ce théâtre qui n'en est pas un, jamais on ne sent l'amorce d'un décrochage. Le visage fermé de la vieille dame, son expression légèrement hébétée qui fait penser à un masque, exprime une réalité qu'on n'aime pas voir puisque l'ombre de la mort s'apprête à l'envelopper. Peut-être est-ce donc pour se rassurer que les gens ont beaucoup ri au fil de la pièce. L'équivalent de siffler dans le noir pour donner le change.
Il est vrai que Guylaine Rivard avait quelque chose de chaplinesque dans sa façon de lutter avec les objets, même les plus familiers. Les mains tremblantes, obligée d'utiliser une loupe afin de pallier à une vision défaillante, son Éva peine à changer une minicassette, à faire bouillir de l'eau, à lire le manuel d'instructions de la machine à expresso que son fils lui a donné pour sa fête, qu'elle s'attend à célébrer en sa compagnie.
Parfois, comme pour la minicassette, c'est juste drôle. Il arrive toutefois que ses mésaventures donnent le frisson, tant elles pourraient tourner à la catastrophe. Dans le contexte qui est le sien, le simple fait d'allumer un rond de la cuisinière, de monter sur une chaise pour aller chercher un sac de graines destinées à ses oiseaux, représente l'équivalent d'une descente en bungee au bout d'une corde qui n'aurait pas été dûment mesurée.
On tremble pour elle, tout en réalisant à quel point sa vie fut riche, remplie d'amour, grâce aux flashbacks mettant à contribution Andrée-Anne Giguère et Éric Chalifour. Incarnant Éva et son mari à différents âges, ils témoignent de leur bonheur tout simple et permettent de mesurer la perte qu'a constituée la disparition du conjoint. Ce fut un énorme traumatisme, accentué par l'isolement auquel réfère le titre de la pièce.
La scène finale, touchante, poétique, réunit le couple à la faveur d'une danse pendant laquelle Éva étreint le complet de l'homme, pieusement conservé. Apparaît ensuite Éric Chalifour, tel qu'on venait de le voir dans un flashback, usé par la maladie. Deux fantômes désormais libérés des contingences terrestres. Unis pour l'éternité.