SAINT-NAZAIRE - À un stade auquel la maladie ne cesse de progresser, Stéphanye Carrier, atteinte d'une forme sévère de la fibrose kystique, s'accroche à un nouvel espoir: celui d'avoir accès au médicament Kalydeco, coûtant 300 000$ par année, qui pourrait améliorer son état, avant qu'il ne soit trop tard.
La jeune femme de 24 ans, qui doit prendre une vingtaine de médicaments chaque jour pour apaiser ses symptômes, aimerait, comme d'autres personnes atteintes de la maladie génétique, pouvoir essayer ce nouveau médicament qui s'attaque à la source de la fibrose kystique, plutôt qu'à ses symptômes.
Le hic: même si le médicament Kalydeco a reçu l'aval de Santé Canada en novembre 2012, le Québec, comme d'autres provinces canadiennes, a refusé en juin de l'inscrire sur la liste de médicaments remboursés par le régime public (voir autre texte). Kalydeco est commercialisé aux États-Unis depuis janvier 2012 par la compagnie pharmaceutique californienne Vertex Pharmaceuticals.
Mutation G55ID
Les études cliniques menées jusqu'à maintenant démontrent que le médicament est efficace pour le traitement de la fibrose kystique chez les patients qui présentent la mutation G551D du gène régulateur de la perméabilité transmembranaire de la fibrose kystique (CFTR, en anglais).
Au Canada, une centaine de personnes présentent cette mutation, dont une dizaine au Québec.
Ce sont les mutations du gène CFTR qui causent la fibrose kystique. Quelque 1900 mutations différentes ont été identifiées dans le gène CFTR. Au Canada, la mutation la plus répandue est celle connue sous l'appellation deltaF508. Plus de 91,5% des personnes fibrokystiques au pays en sont porteuses.
Stéphanye Carrier est quant à elle porteuse de la mutation 621+1GT, une mutation moins commune qui entraîne une affection importante du système gastrique. Elle espère que d'autres tests cliniques seront menés par Vertex Pharmaceuticals pour tester l'efficacité du médicament sur d'autres mutations.
Qualité de vie
«Ce médicament coûte 300 000$ par année, donc 25 000$ par mois, et même si je trouve cela difficile, je suis consciente que le régime public doit prendre des décisions basées sur des aspects monétaires et scientifiques», mentionne la jeune femme, qui demeure à Saint-Nazaire avec sa mère. Elle a récemment dû laisser tomber ses études collégiales à temps partiel en informatique en raison de la dégradation de son état de santé.
Stéphanye a consacré de nombreuses heures à consulter de la documentation anglophone sur le médicament Kalydeco, en plus d'échanger avec des personnes atteintes de fibrose kystique par le biais de forums électroniques.
«Avec ce médicament, des personnes aux États-Unis, qui n'avaient pas nécessairement la mutation G551D, ont vu la progression de la maladie ralentir, en plus d'avoir une meilleure qualité de vie, indique-t-elle. Pour ces personnes, cela a fait une différence entre l'invalidité et le retour à une vie plus normale.»
La jeune femme s'épuise rapidement, dès qu'elle fait des efforts pour réaliser de petites tâches, ou même lorsqu'elle sort faire une courte marche à l'extérieur. «Si ma qualité de vie s'améliorait, mes soins coûteraient moins cher au système de santé, et je pourrais peut-être même travailler un peu, et arrêter d'être un fardeau pour la société», ajoute-t-elle, tristement.
Si elle doit faire preuve de patience en attendant les résultats de nouveaux tests cliniques et les décisions gouvernementales, la maladie, elle, n'attend pas. Elle estime que d'ici trois ou cinq ans, elle pourrait être en attente d'une greffe de poumons, un processus de dernier recours. «Je voudrais au final que les gens réfléchissent au prix qu'on attache à la vie d'une personne», conclut-elle.