La «nouvelle héroïne» des toxicomanes

Pour le commun des mortels, le risque de développer une dépendance suite à la prescription de médicaments dérivés de l'opium est plutôt faible. D'ailleurs, les autorités médicales ont mis en place des protocoles afin de déceler les risques chez certains individus, notamment en tenant compte de leur fragilité à d'autres dépendances (cigarette, alcool, marijuana). Mais un toxicomane, un vrai, ne reculera devant rien pour combler son manque. Et l'ordonnance d'opiacés semble être de plus en plus facile à obtenir.


Deux molécules dérivées du pavot (telles que l'héroïne, l'opium et la morphine) sont préférées par les toxicomanes: l'oxycodone, vendue sous le nom d'OxyContin, et l'hydromorphone, étiquetée sous le nom Dilaudid. L'effet recherché est l'euphorie, un sentiment de bien-être et de confort procurés par des comprimés écrasés, puis prisés (aspirés) ou injectés. D'autres vont simplement avaler jusqu'à dix fois la dose quotidienne recommandée pour obtenir l'effet désiré. Selon Luc Chicoine, coordonnateur national du soutien contre les drogues synthétiques et les produits pharmaceutiques à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), «S'injecter de l'héroïne, de l'oxycodone ou de l'hydromorphone, c'est la différence entre boire du Coke ou du Pepsi».

Sauf que les coûts sont différents. Alors qu'un gramme d'héroïne se vend approximativement 250$, les comprimés susmentionnés coûtent seulement 10$ pièce. À quantité égale, les opiacés prescrits sont donc de deux à quatre fois moins chers. Il est également possible de s'en procurer gratuitement, en obtenant une prescription d'un médecin.

Selon les statistiques récentes, le nombre de consommateurs d'opiacés prescrits a grimpé de 182%, entre 2000 et 2010.

Durant la même période au Québec, les dépenses du gouvernement pour le paiement d'OxyContin ont augmenté de 1280%, et la consommation de ce type de médicaments a bondi de plus de 1000% dans certains cas.

Les profits sont si alléchants que certaines personnes n'hésitent pas à revendre les médicaments qui leur sont légalement prescrits, notamment pour combler une autre dépendance telle que l'alcool ou le jeu. Certains sont même devenus de véritables comédiens, faisant semblant d'avoir mal ou en «magasinant» les médecins. Il n'est donc pas surprenant d'apprendre que des pilules disparaissent chaque année dans le réseau pharmaceutique canadien. Selon un article paru dans La Presse en juin dernier, plus de 3 millions de comprimés antidouleur auraient mystérieusement disparu des pharmacies canadiennes en trois ans, dont plus de 200 000 doses au Québec.

Selon la GRC, cela ne représenterait que la pointe de l'iceberg d'un ensemble de stratagèmes qui permettent le détournement de médicaments fabriqués par l'industrie pharmaceutique vers un très lucratif marché noir.