Jessica Boily, Jennifer Chassé, Kayla Sy-Mergard et Philippe Bouchard ont tous vécu un parcours scolaire chaotique. Manque de motivation, horaires contraignants, rythme trop pressant, difficultés d'apprentissage, incapacité à rencontrer les normes et frustration face à l'autorité ne sont que quelques-unes des raisons qui ont mené ces jeunes à la croisée des chemins. Quand l'école même semble dire chaque jour « tu n'es pas à ta place ici », que reste-t-il à faire, sinon abandonner? « On se fait coller des étiquettes, dénonce Jessica. Dans le système scolaire, il n'y a pas d'exception. Tu dois faire ce qu'on te demande comme tout le monde, dans un temps précis. Si tu ne rentres pas dans les critères, tu n'as pas ta place. » Jennifer renchérit : « Une fois que tu es étiqueté, c'est difficile de sortir de ça. C'est comme une spirale de négatif sans fin. »
Les quatre jeunes, âgés entre 16 et 17 ans, ont pourtant le regard pétillant et la parole facile, quand on discute de leur nouvelle école. C'est que ce n'est vraiment pas une école comme les autres. Au Passage, « on ne transmet pas la connaissance, on la construit », explique Lilia Desbiens, enseignante diplômée en adaptation scolaire. Le programme cible le jeune dans sa globalité, comme individu. « On a développé une véritable philosophie, laquelle sous-tend toutes nos actions. Le but est de les accrocher, de les faire venir à l'école parce qu'il y a un réel intérêt, pas juste parce qu'il faut aller à ses cours. On veut les aider à réussir au niveau académique, mais on va plus loin. On essaie de leur donner les outils nécessaires pour réussir leur vie. »
Trouver sa voie
L'école mise autant sur l'acquisition de connaissances par des expériences pratiques que sur le développement personnel et la singularité de chaque individu pour diriger les élèves vers un projet d'avenir. Au début, donc, chacun part à la recherche de ce qui le passionne. Tous les moyens sont bons pour étendre la classe en dehors des murs, pour faire vivre aux jeunes la réussite à divers niveau. Une fois plus confiants de leur potentiel, l'intérêt pour l'école se développe. Maîtres de leurs horaires, ils sont également la source de toutes les activités mises en place dans l'école. Ils ont décoré les locaux avec des plantes et des couleurs vives. Des expéditions de survie en nature, une troupe de danse gumboots, un groupe de musique, une équipe de hockey, un collectif d'artistes, la fabrication de meubles en ébénisterie et même une petite entreprise de confection de brioches sont nés de l'initiative des élèves. « Avec la troupe de danse, on va même faire l'ouverture des Jeux du Québec en mars », lance Jennifer, le regard rempli de fierté.
Comment peut-on savoir que ça fonctionne? « Les jeunes sont là, dit Lilia Desbiens, ils viennent à l'école. Ça, c'est un résultat plus que tangible. » Avec un corps de huit enseignants, épaulés par une éducatrice spécialisée, l'école a aussi accès à toutes les ressources de la polyvalente Charles-Gravel (psychologues, intervenants en toxicomanie). Car même s'ils sont libres et à la découverte de leurs passions, l'encadrement demeure une priorité. « Ici, la drogue, l'intimidation et le vol, c'est tolérance zéro. Ce sont des jeunes qui ont un passé qui les a marqués, ils sont fragiles, donc on les encadre serré », assure Mme Desbiens.
Si tout se passe comme prévu, Jessica deviendra intervenante auprès des jeunes, Jennifer sera éducatrice spécialisée et Philippe apprendra le métier de soudeur. Kayla, pour sa part, ne sait pas encore précisément vers quel domaine elle se dirige, mais elle souhaite de tout coeur laisser sa trace dans la société.