Vol solo pour un Gros Mené

Le festival Saguenay en neige a accueilli Fred Fortin, hier soir, à la faveur d'un spectacle marqué par sa virtuosité, autant que l'enthousiasme de ses fans. Ceux-ci ont fait contre mauvaise fortune bon coeur, puisque le musicien s'est pointé sans ses camarades du groupe Gros Mené.

Le mystère de la sainte Trinité a peut-être été résolu hier soir, au Pavillon Nikitoutagan de Jonquière.


Prenez Gros Mené, l'invité du festival Saguenay en neige. Enlevez le guitariste Olivier Langevin et le batteur Michel Dufour, retenus à Montréal pour cause de mauvais temps, et il vous reste quand même un groupe épousant les traits de Fred Fortin, un type qui n'éprouve aucune difficulté à chanter, torturer sa six cordes et taper furieusement sur sa batterie à coups de pied, le tout simultanément.

Il s'est pointé seul comme un grand, devant quelques centaines de fans dont l'âge dépassait rarement la trentaine. « C'est la vie. C'est comme ça. Le pauvre Gros Mené n'a pu se faufiler jusqu'au Saguenay. Il a été avalé par la tempête «, a expliqué le gars du Haut-du-Lac. Il avait eu la sagesse de descendre à son chalet la veille, ce qui, a-t-on appris, lui a donné le temps d'écluser quelques bières.



Sa récompense fut de passer 90 minutes assis sur un tabouret recouvert par une authentique imitation de peau de léopard, ce qui lui a permis d'explorer son répertoire personnel, tout comme celui de Gros Mené. « Envoye-moé chu l'diable «, a lancé Fred Fortin d'une voix râpeuse, en lever de rideau. C'était parti pour une veillée au coin du feu qui fut charmante, en dépit du changement de programme.

Une belle surprise

Dans l'une de ses pièces les plus touchantes, Mélane, Fred Fortin a exprimé une version rugueuse de la tendresse, sa voix presque douce alternant avec des traits de guitare élégamment flous. À l'opposé, c'est avec des accents heavy, à peine atténués par des sifflements, qu'il a livré son hymne à Ovechkin. Le public a apprécié. Le chanteur aussi, qui a fini en lançant un tonitruant : « Rock'n roll! «

Ses fans n'ont pas eu le temps de méditer sur le sens de ce message, puisqu'il a enchaîné avec Ski-doo. Ce titre de Gros Mené a été porté par une guitare ultra-raide, jusqu'au moment où les notes se sont espacées. C'est là que Fred Fortin a adressé un joli clin d'oeil au I Want You des Beatles, avant de renouer avec la hargne du début.



Il avait aussi une surprise pour ceux qui connaissent ses disques par coeur, un inédit ayant pour titre Smith And Wesson. Peu de texte, mais une image séduisante, celle d'un couple dansant sous la lune, dans le désert. « C'est une toune en développement «, a confié l'artiste après la fin prématurée de cette ballade folk.

Faisant contre mauvaise fortune, bon coeur, le public s'est montré chaleureux, parfois même enthousiaste, au cours de la soirée. C'est peut-être ce qui a incité Fred Fortin à multiplier les rappels, dont une reprise très drôle de T'es grosse pis t'es belle, pimentée d'une pincée de blues.

« Ça fait travailler les neurones, ces jeunes-là «, venait-il d'affirmer, après avoir mesuré la ferveur de ses fans. Ceux-ci ne l'ont pas lâché jusqu'à ce que le musicien ferme les livres en chantant : « Chu ben tout seul «. Après une telle performance, il avait mérité de retrouver son chalet.