Une menace guette les bleuets sauvages

Une nouvelle menace guette la culture des petits fruits, dont les bleuets sauvages. La drosophile à ailes tachetées a fait son entrée au Saguenay-Lac-Saint-Jean, confirme le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ).


Entre les mois de septembre et d'octobre, quelques spécimens de cet insecte, qui peut causer de lourds dommages, ont été découverts sur au moins deux sites dans la région. Au Québec, la drosophile à ailes tachetées a été repérée dans plus d'une trentaine de sites au cours de l'été. Du jamais vu.

De la même famille que la commune «mouche à fruits», présente dans les maisons et qui s'attaque aux aliments trop mûrs ou meurtris, la drosophile à ailes tachetées a la particularité de pondre des oeufs dans les fruits sains ou qui commencent à mûrir. L'adulte perce un trou dans le fruit intact et dépose ses oeufs sous la peau. Les larves éclosent et se nourrissent du fruit, le rendant non comestible. Sa grande capacité de reproduction ajoute par ailleurs à la liste des inquiétudes entourant l'insecte.



Originaire d'Asie, elle a fait son apparition sur le continent en 2008, en Californie. Au pays, elle a été aperçue pour la première fois en 2009, en Colombie-Britannique. Depuis, sa présence a été détectée dans plusieurs provinces, dont le Québec. La drosophile à ailes tachetées s'attaque à un vaste éventail de fruits, dont la cerise, les framboises, les fraises et les bleuets.

Recherches

Les recherches sur cette espèce en sont encore à leurs premiers balbutiements. Peu d'informations sur la survie hivernale et sur les ennemis naturels de la drosophile à ailes tachetées sont connues.

Pour l'instant, le seul remède pour éradiquer l'insecte demeure les pesticides.



«Comme c'est nouveau pour le Québec, les projets de recherche ne sont pas terminés. Donc la seule solution connue pour régler ce problème est les pesticides», confirme Jean-Phillipe Légaré, entomologiste au MAPAQ.

Dans certaines régions plus au sud du Québec, les spécialistes du ministère ont recommandé à plusieurs producteurs d'étendre des pesticides au cours des derniers mois, en raison d'une présence importante de larves. Heureusement, aucune recommandation n'a encore été faite dans la région.

«Pour les bleuets nains, nous avons seulement recommandé aux producteurs d'être très vigilants. Mais la situation est préoccupante et doit être suivie de près», indique M. Légaré, précisant qu'aucun dommage n'a été déclaré au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Industrie sous surveillance

L'industrie agricole demeure sur un pied d'alerte en attendant la prochaine saison des récoltes. Une propagation de cet insecte pourrait avoir de lourdes conséquences pour le marché des bleuets sauvages. Si une véritable infestation survenait le printemps prochain, les producteurs n'auraient d'autres choix que d'utiliser les pesticides. Ce qui ferait perdre le statut particulier des bleuets sauvages de la région, reconnu pour l'absence d'intrant un an avant la récolte.

Les producteurs et les experts espèrent maintenant que la drosophile à ailes tachetées ne survive pas à l'hiver plus froid de la région.



«Il y a des chances que la population diminue avec vos hivers plus froids, contrairement à des endroits plus au sud du Québec. Car cette espèce connaît une forte mortalité en hiver, selon les informations qui existent sur la drosophile. Toutefois, nous ne l'avons jamais expérimenté chez nous. Nous allons donc le savoir ce printemps», laisse tomber M. Légaré.

2010 : L'Agence canadienne d'inspection des aliments découvre un premier spécimen de drosophile à ailes tachetées dans la région de Québec, probablement arrivé dans un fruit importé. L'organisation fédérale décide de ne pas réglementer cette espèce et laisse le soin aux provinces d'élaborer des plans d'action. Quelques mois plus tard, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec met sur pied un groupe de travail pour dresser le portrait de cet insecte. Un réseau de dépistage est ensuite créé pour surveiller de près la situation.

2011 : Pour la première fois, une vingtaine de sites au Québec participent au dépistage. Plusieurs pièges sont installés pour vérifier si la drosophile s'est établie dans l'est du Canada. Résultat : aucun spécimen n'a été découvert.

2012 : Par mesure de prévention, une seconde période de dépistage est réalisée au cours de l'été dernier dans plusieurs sites de la province. Surprise, les drosophiles à ailes tachetées sont présentes dans au moins 31 endroits, dont deux champs du Saguenay-Lac-Saint-Jean situés dans des villes différentes.