Le ciel s'assombrit un peu plus

L'économise Carmine Nappi, consultant pour RTA, a livré un portrait de la situation qui prévaut actuellement dans l'industrie de l'aluminium.

La multinationale Rio Tinto Alcan maintient le cap avec son usine pilote AP-60 qui entrera en production dans moins d'un an et entend toujours respecter ses engagements pour les phases subséquentes 1 et 2 pour doter le complexe Jonquière d'une nouvelle usine de 400 000 tonnes.


La multinationale n'a toujours pas d'échéancier définitif coulé dans le béton pour ce grand projet industriel ainsi qu'Alma II. Les représentants du service des communications de Rio Tinto Alcan qui assistaient à la présentation de l'économiste Carmine Nappi ont réitéré les engagements de l'entreprise nonobstant les problèmes actuels.

Le docteur en économie a illustré avec certitude que la situation est particulièrement difficile pour l'industrie. En plus des paramètres économiques conjoncturels complexes et surtout imprévisibles, de nouveaux éléments structurels pointent à l'horizon pour assombrir un ciel déjà chargé de nuages noirs.

Avec un prix de vente de 2093 $US la tonne gonflé artificiellement par la dévaluation du dollar américain, l'industrie ne génère pas les revenus suffisants pour financer les nouveaux projets de remplacement ou d'expansion.

Pour ramener l'équilibre entre l'offre et la demande, l'industrie a procédé à la fermeture de 600 000 tonnes de capacité selon les données présentées par l'économiste. La correction n'a visiblement pas été suffisante et il y a toujours l'imprévisible Chine qui a choisi de déplacer sa production de l'est vers les régions du nord-ouest où elle dispose de grandes quantités de charbon pour la production d'énergie.

«Ils ouvrent des usines dans une région, mais les gouverneurs des régions de l'est maintiennent les usines en production avec de généreuses subventions. La Russie dispose aussi de grandes ressources hydroélectriques en Sibérie», prévient Carmine Nappi.

La récente mise en exploitation des gaz de schiste aux États-Unis a ramené cette région du monde sur la carte des sites d'intérêt pour l'installation de nouvelles capacités de production. Carmine Nappi croit possible que des entreprises utilisent ce gaz à très bas prix pour produire l'énergie nécessaire à l'électrolyse dans les États du sud.

Chose certaine, avance l'économiste tout en présentant des graphiques, la croissance des coûts de production au cours des prochaines années sera au coeur des préoccupations des sociétés. En ce moment, les alumineries qui se classent dans les deux premiers quartiles de l'industrie parviennent à couvrir les coûts de production. Les usines canadiennes se situent en général dans cette zone, mais il est impossible de connaître leur niveau exact de rentabilité pour des raisons commerciales.

Il faut rappeler qu'au plus creux de la crise, Rio Tinto Alcan a déployé des mesures spéciales dans ses usines de la région lorsque le prix a atteint un plancher de 1350 $ US la tonne. En ce moment, un peu plus de 50 % des alumineries de la planète produisent à des coûts supérieurs au prix de vente. En 2010, les coûts moyens mondiaux de production se situaient à 1600 $ la tonne.

Carmine Nappi en arrive à la conclusion que dans une telle situation, il est normal qu'il y ait de l'inquiétude pour les nouveaux projets. À cela, prévient le docteur en économie, s'ajoute le protectionnisme écologique qui pourrait faire en sorte que des pays proposent de l'aluminium vert produit avec du gaz ou même les nouvelles technologies au charbon.

L'industrie de l'aluminium est donc soumise à des changements majeurs que personne n'aurait imaginé il y a à peine cinq ans. Elle dispose maintenant d'une nouvelle offre énergétique dont elle ne peut faire abstraction.

Ltremblay@lequotidien.com