Le constat réalisé par des chercheurs de partout dans le monde et dont les textes ont été regroupés dans l'ouvrage Forêts et humains : une communauté de destins, également produit par la Chaire en éco-conseil sous la supervision du biologiste Claude Villeneuve, ouvre la porte à une nouvelle vision de ce que la forêt représente pour l'humanité: «Surtout, ne venez pas me dire que c'est le poumon de la planète. Ce n'est pas vrai. Par contre, la contribution de la forêt à différents aspects de la vie humaine est beaucoup plus considérable que le seul fait d'être considéré comme le poumon de la planète.»
Un autre constat est assez révélateur et concerne la place de l'industrie forestière dans la problématique de la déforestation. L'agriculture représente 85% de la déforestation sur la planète pour différents besoins, dont la production de carburants biologiques et aussi pour l'alimentation. La seconde raison est la production d'énergie, principalementle charbon de bois et finalement, la construction d'infrastructures.
Le chercheur admet qu'il y a encore, à certains endroits, des opérations forestières de déforestation, mais l'introduction de normes de certifications depuis une dizaine d'années a modifié le paysage. L'industrie forestière récolte plus ou moins les intérêts de la forêt.
Pour avoir un portrait réaliste de la situation, Claude Villeneuve a regroupé des exemples concrets d'expériences vécues aux quatre coins de la planète. L'objectif recherché était de vérifier si l'économie verte permettrait de lutter contre la pauvreté qui est souvent associée aux communautés forestières.
Cette notion, suivant les propos de Claude Villeneuve, nécessite que l'on reconnaisse à la forêt un apport économique autre que celui de l'économie des commodités ou des pâtes et papier.
La forêt a ainsi un apport important dans des éléments de la vie. Le remplacement de la forêt par d'autres mécanismes aurait des répercussions importantes et surtout nécessiterait des investissements majeurs.
À partir de ce principe, il n'est plus utopique de penser que l'on pourrait aussi payer des gens pour maintenir ce patrimoine mondial et le développer. Ce qui n'empêche pas une exploitation ordonnée de cette ressource renouvelable. La forêt demeure encore aujourd'hui la source d'énergie renouvelable la plus utilisée sur la planète et elle est surtout utilisée par des personnes vivant dans des conditions économiques difficiles. La seule exception à cette réalité de pauvreté réside dans la région du Vorarlberg en Autriche où une vision assez moderne a été développée par rapport à l'exploitation forestière.
Une vision qui est en partie basée sur la nécessité de mieux consommer l'énergie tout en mettant en valeur des ressources renouvelables. L'ouvrage présente aussi des expériences vécues par les Pygmées du Congo et les Indiens malécites de la Gaspésie. Claude Villeneuve croit que l'on doit tenir compte de la vision des peuples indigènes de l'utilité des forêts pour mieux les utiliser et soutenir le développement local.
Dans une économie de commodités, il est évident qu'une forêt comme celle du Canada ait de la difficulté à offrir les mêmes avantages que des forêts plus au Sud. L'arbre qui met 70 ans à atteindre la maturité répond mal à l'analyse économique traditionnelle comparativement à un arbre qui pousse en 15 ans au sud. Il n'y aura jamais assez de ressource pour combler ce manque à gagner, mais la forêt du Nord a aussi d'autres fonctions vitales pour l'humanité, dont certainesn'ont pas encore été mises au jour.
Dans le cadre de ce travail, le professeur de l'UQAC a découvert un projet fascinant au Maroc alors qu'une enseignante à l'université travaille à la création de plantations d'un arbre indigène qui a jadis fait la fortune des Berbères. Des coopératives ont été formées pour la production d'une huile très convoitée pour la cuisine et les cosmétiques à partir des noix produites par cet arbre. Ce sont des projets de cette nature qui permettent d'avancer qu'il peut y avoir une économie différente et qui permettent à des communautés de vivre mieux de la forêt.